Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Didi et son neveu.... Pèlerinage à Civry.

2 Mai 2011 , Rédigé par daniel Publié dans #Didi

En juin 2010 j’avais promis à mon oncle Didi de l’emmener dès la fin de l’été à Civry. J’y étais allé plusieurs fois, enfant avec mes parents et grands parents et la dernière fois ce fut au printemps 1957; j’allais alors sur mes onze ans…. C’est un peu loin mais je m’en souviens assez bien.

Je me suis attaché sur ce blog, dans cette rubrique intitulée « Didi ,  à parler de ma famille paternelle dont le point d’ancrage me paraissait être Civry sur Serein. En fait ce n’était pas tout à fait le cas et j’ai découvert depuis, par des recherches généalogiques, que la branche Prieux (ma grand-mère paternelle, la mère de Didi et de Roger mon père) si elle était bien originaire de l’Yonne ce n’était pas de Civry dans le sud du département près d’Avallon mais de Dollot qui est situé au nord, à plus de cent kilomètres, en Gâtine bourguignonne.

Civry ne fut qu’un lieu de villégiature au début du 20ème siècle pour mes arrières grands parents, Marie Joseph Germain Prieux et Marie Mathilde Jeanne devenus parisiens et embourgeoisés (Marie Mathilde Jeanne née Dumont était déjà d’une famille bourgeoise du Pas de Calais alors que Marie Joseph Germain provenait d’une famille rurale de Dollot sans doute modestement aisé et surtout très catholique). Mes arrières grands parents venaient donc l’été à Civry pour retrouver leur frère Paul Prieux et son épouse Lucie qui, elle, était bien originaire de cette Bourgogne morvandelle. Petite précision pour les Prieux, les deux frères, membres d’une assez grande fratrie étaient, selon ce que j’ai entendu dire, les seuls à n’être pas entrés dans les ordres…. (Ouf !)

Je n’avais donc jamais entendu parler de Dollot avant d’entreprendre des recherches généalogiques et mon oncle me disait même, il y a encore peu, que cette famille était originaire de Villeneuve l’Archevêque (Il est vrai que pour une famille ultra catho s’appelant Prieux ça faisait plus classe…. même s’il y a  près de 50 km entre les deux communes).  Mes souvenirs d’enfance sont donc rattachés à Civry  et j’avais une folle envie d’y retourner et bien sûr accompagné par mon oncle qui a aujourd’hui 85 ans….. Seul survivant des générations précédentes et ce depuis 1962 (date du décès de mon père, il n’avait pas 40 ans…..  )

Ce voyage à Civry n’a pu se faire à cause d’une mission professionnelle en Guyane ; une mission inattendue, puisque j’étais sensé être définitivement à la retraite mais que j’étais tellement heureux d’accepter...... Didi fut déçu et il me fallait rattraper le coup. C’est ce que j’ai fait lors de notre récent séjour parisien…. Le temps était magnifique il fallait en profiter.

Quand j’ai dit à mon oncle le samedi de Pâques que je comptais l’emmener à Civry le mercredi suivant il hésita ; certes il semblait très content mais il se disait fatigué….. Et puis il avait des tas de contraintes, très subalternes, comme de dire que c’est le jour où la femme de ménage venait…. etc…. En fait il avait un peu peur de cette envie…. Ça faisait près de cinq ans qu’il n’y était pas retourné et puis très récemment un de ses meilleurs amis venait de mourir et il avait du dire à sa veuve que, ne conduisant plus, il ne pouvait pas venir aux obsèques…. Alors venir trois semaines plus tard le gênait….

S5301979100 2447

J’ai repoussé toutes ses objections et son envie d’y aller fut la plus forte. Je suis donc venu le chercher le mercredi suivant à 9 H. Deux cents kilomètres d’autoroute A 6 ça se fait en moins de deux heures, sortie Nitry et avec Didi comme copilote pas besoin d’écouter le GPS.

Bientôt nous étions à Dissangis puis cinq minutes plus tard à Civry chez Jacky. Quel accueil Jacky a fait à son héros !…. J’emploie ce mot volontairement car Didi m’a suffisamment reproché lorsqu’il lisait mes premiers billets le concernant de le présenter comme un héros alors que lui avait l’impression d’avoir été un môme inconscient qui a beaucoup fait pleurer ses parents. Jacky n’arrêtait pas de me dire en nous servant un petit verre de bourgogne blanc (un fond de verre aussi bien pour Didi qui prend des médicaments que pour moi qui conduisais) , «  C’était mon héros, j’avais 6/7 ans et lui, mon Didi, avait 17/18 ans ; je n’avais pas besoin de cinéma, de Zorro ou de Buffalo Bill, j’avais ici au village mon Didi…  » Et tous les deux de se raconter pendant près d’une heure des histoires qu’ils ont du se répéter pendant plus de 60 ans.

Mon oncle avait seulement prévenu Jacky et lui avait demandé de garder le secret ; même s’il n’y avait plus, maintenant, trop d’anciens à prévenir. D’ailleurs la veuve de son vieux copain récemment décédé est maintenant à Auxerre chez son fils.

« Combien y a-t-il d’habitants à Civry » lui ai-je demandé « moins d’une centaine mais le double l’été. Pas un commerce plus de mairie nous sommes rattachés à Massangis, encore l’église mais peu de messes ». Pour avoir un commerce il faut aller à L’Isle sur Serein à 4 km ou mieux à Avallon à 16 km»

Jacky nous remis les clefs de la bicoque de Didi où nous passerions dans l’après midi.

S5301984S5301989

Dans le village mon oncle m’a montré l’ancienne maison de mon arrière grand-mère et celle, très modeste de sa gouvernante Emilienne, une femme du pays qui passait l’été à Civry avec mon aïeule mais vivait aussi l’hiver chez mes grands parents à Champigny/Marne-Tremblay  du moins après guerre  quand Marie Mathilde Jeanne était très âgée : Ah ! Les goûters à base de chocolat chaud d’Emilienne !

En face de l’ancienne maison d’Emilienne il y a une maison coquette « Vas sonner me demanda Didi ! »…

Une dame sortit étonnée  «  Il y a mon oncle dans la voiture …. Je crois que vous vous connaissez ». La Dame s’approcha et troublée et pleurant, riant s’écriait « C’est Didi, Didi est revenu » et mon oncle comme une star descendit souriant de la voiture. Que d’embrassades et de pleurs, de rires !  

S5301986S5301990

Sa fille, sensiblement de ma génération car retraitée, sortit à son tour  pour l'embrasser « Didi Prieux est là ». Nous sommes entrés, elles venaient de finir leur repas…. pas nous mais ce n’était pas grave on se nourrissait de paroles de souvenirs de découvertes pour moi …. Encore des histoires de héros. Denise qui n’avait que quelques mois de moins que mon oncle (elle aussi de 1926 mais de la fin d’année) me dit :

«  Qu’il était beau Didi quand il était jeune, Il en en a brisé des cœurs et il en a fait pleurer des jeunes filles, le vilain…. Mais après son arrestation par les allemands et quand on a su qu’il devait être fusillé c’est tout le village qui pleurait et qui ne dormait plus : Les jeunes, les mères, les grands-mères, les hommes, tout le village…. Et quelle fête on a fait quand on a su qu’il avait pu s’évader et quand il est revenu passer quelques jours de permission fin septembre 44 avant d’incorporer l’armée de Delattre de Tassigny pour chasser et  poursuivre l’ennemi jusqu’en Allemagne » : Ah il bichait le tonton !  Les larmes aux yeux. Un grand moment !

Et Denise de se lever et de se mettre à la recherche d’articles de journaux qu’elle avait conservés.

«  Je ne savais pas si je te reverrai un jour mais j’ai conservé ça qui te concerne » et elle nous remit des coupures d'un journal  «L'Artimont » édition de Décembre 2005.  « C’est Alberte d’Annoux ta compagne de mésaventure qui avait été interviewée… Alberte est décédée il y a deux ans » Mon oncle l’avait su  par Jacky. 

Nous sommes restés une bonne heure chez Denise. Je fus surpris de voir sa fille demander à mon oncle quel était son vrai prénom « Didier ? » «  Non !  Lui ai-je répondu c’est André mais comme à l’époque il y avait beaucoup d’André et donc de Dédé, pour lui c’est devenu Didi et c’est resté.  J’ajouterai que nous ne nous appelons pas Prieux qui était le nom de jeune fille de ma grand-mère mais Baudin. »

Nous avons repris la route pour essayer de nous restaurer car on approchait de 14 H. A l'Isle sur Serein situé à 4 km il y a deux restaurants mais les deux étaient fermés… Cap alors sur le « Flunch » d’Avallon à une douzaine de kilomètres.

  En mangeant, assez rapidement, je commençais à lire les coupures de journaux que Denise nous avait données.  J’ai vu que sur certains points Didi n’avait pas l’air trop d’accord… c’était les souvenirs d’Alberte. Il reconnut pourtant que quand ils ont été arrêtés ils se déplaçaient  à bicyclette et non une balade à pied en amoureux comme je l’ai écrit dans un ancien billet.

Après ce rapide repas nous avons pris la route d’Annoux pour essayer de retrouver les lieux :

  Extraits de l’article de l’Arlimont en bleu.

« 7 juin 1944, un espoir en France occupée depuis quatre ans : les américains ont débarqués hier en Normandie. Dans l’euphorie générale, on croit avoir des alliés partout ; ainsi le garagiste de l’Isle-sur-Serein commet une méprise qui lui sera fatale.

Deux motards lui demandent de faire le plein de leur véhicule. Pensant qu’il s’agissait de deux maquisards, il remplit gratuitement le réservoir et leur dit « Bonne chance, les gars ! ». Hélas, c’était des miliciens.

S5302000100 2462

Aussi dès le lendemain matin, une dizaine de cars bleus foncés se rangent à Dissangis d’où descendent les soldats allemands, arme au poing, qui se partagent en deux groupes. Le premier s’engage sur la route de Massangis, l’autre dans le village, prend le chemin du cimetière, contourne les bois en passant au-dessus de la carrière, en direction de la ferme de Rochefort. Ensuite, rapidement, des coups de feu éclatent en direction de la rivière, du pont de Civry et puis des roches de Villiers-Tournois où s’était réfugié depuis quelques jours le maquis Haillot. Les villageois alentour n’ignoraient pas sa présence.  Certains ont-ils trop parlé, peut-être inconsciemment … ?

Encerclés les maquisards se dispersent en plusieurs directions. Sous le feu nourri, quatre d’entre eux sont tués…. D’autres sont blessés.

Un jeune parisien (Didi) résidant momentanément à Civry et proche du maquis a repéré l’un des blessés (Charly) et le porte au dessus des roches. Mais comme il est lourd pour ses dix-huit ans, il va chercher du secours à Annoux.

100 2466S5301995

A l’entrée du village, une famille est favorable au maquis qu’elle a déjà ravitaillé à plusieurs reprises. Mais ce jour-là, le père est parti à Avallon, le fils est malade et un cousin venu de Paris est en situation irrégulière. C’est donc la jeune fille de la maison Alberte Bonnetat, dite Babette, qui partira lui porter secours avec sa bicyclette, munie de pansements et accompagnée du jeune parisien (Didi).  

Hélas ils n’iront pas loin. Au-dessus du plateau, ils sont encerclés par les allemands et fouillés. Trouvant sur la jeune fille les pansements, ils comprennent qu’ils viennent porter secours au blessé. Interrogés brutalement, ils sont mis dans le fossé où ils recevront  coups de pied et de crosse. Pour Didi ils étaient à l’endroit où ils avaient trouvé le blessé.

Pendant ce temps, la maman de la jeune fille avait attelé la charrette qu’elle avait garnie, avec l’aide d’une voisine, de paille et de couvertures. Mais arrivées sur les lieux, elles sont arrêtées à leur tour. Les allemands les font tous monter dans le car …… (Didi n’a pas souvenir de la charrette et de l’arrestation de la mère d’Alberte) 

100 2446S5301997

Premier arrêt à l’hôtel du Chapeau Rouge à Avallon où les trois prisonniers Babette, Didi et Charly changèrent de véhicule pour être conduit à la kommandatur d’Auxerre, tandis que la maman d’Alberte et sa voisine restèrent avant d’être remises en liberté. Les prisonniers furent transférés à la nuit tombante à la maison d’arrêt. Le blessé était mis dans la même cellule que le garagiste de l’Isle incarcéré depuis le matin (Charly sera exécuté dans les jours qui suivront).

Alberte fut mise en cellule des femmes au troisième étage, elle y restera deux mois. Didi fut incarcéré dans une cellule des activistes dans l’attente d’être interrogé et jugé. Il y restera trois mois ; condamné à mort il profitera pour s’évader fin août, de l’offensive des FFI, contre les stocks de carburant des allemands près d’Auxerre et de l’ouverture, en l’absence de soldats allemand, des cellules  par des gardiens français proches de la résistance

Durant ce temps (En juin et juillet) les familles ne restaient pas inactives (Pour ce qui concerne les parents de Didi, mes grands parents, le lecteur se reportera à mes premiers billets).

La maman d’Alberte avait pris contact avec l’épouse du garagiste qui avait appris que le commandant allemand avait une maîtresse française.  Pour obtenir des informations, les deux dames décidèrent d’entrer en relation avec cette personne.

Mme Bonnetat se rendait presque chaque semaine à la prison, souvent en vain. Elle lui laissait des colis qui contenaient entre autres de l’eau de vie, fort appréciée par les gardiens, de vieux soldats allemands.

Le 3 août, le Feld Webel, dit à la prisonnière : « Si votre maman était venue aujourd’hui, vous seriez partie avec elle ». Quelle émotion quand on sait que tant de compagnons n’avaient quitté la prison que pour le peloton d’exécution ! Et c’est ce qui attendait Didi. Finalement Alberte sortit le 4 août avec le garagiste…. Didi s’évada le 22 août profitant de la confusion générale due à l’offensive des FFI, du regroupement de tous les soldats allemands sur la ligne de feu, laissant la prison sous la surveillance des seuls gardiens français. (Des gardiens collabos durent être neutralisés par les gardiens résistants… même si pour certains c’était de très fraiche date…. Une façon de se racheter une conduite)

100 2448100 2455

Après ce pèlerinage émouvant nous avons rejoint la bicoque de Didi. A l’intérieur tout est resté en place y compris du linge sur le lit, des plats couverts sur la table et dans la cuisine. En entrant dans la maisonnette on doit écarter la multitude de toiles d’araignées. Le jardin est envahi par des herbes hautes où l’on pourrait se cacher si un ennemi approchait…. Mais on en n' est plus là 67 ans plus tard. … Il était plus de 17 H et il me fallait ramener Didi chez lui. Pas question de faire le ménage ou de passer la tondeuse sur la terrain. Je refermais la porte de la maisonnette, la jolie grille de l’entrée. Nous sommes repassés chez Jacky pour lui rapporter les clefs. Encore quelques larmes …. Avant de se quitter.  « Vous nous le ramènerez » « ?? Je ne pouvais pas dire non »

 

A 19 H 30 je déposais mon oncle chez lui, fatigué mais tellement heureux.

  

A suivre )

 

  Lire aussi la vie d'artiste 1 et 2 et le cinéma de Didi 1 et 2 .

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article