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Didi soldat..............la bataille de Michelbach

4 Janvier 2008 , Rédigé par daniel Publié dans #Didi

« Quand un soldat s’en va en guerre il a,
dans sa musette son bâton de maréchal
Quand un soldat revient de guerre il a,
dans sa musette un peu de linge sale…. »

  Le 1er RVY est entré en Alsace à Trauback le 29 novembre 1944 (lire Didi soldat et Didi  1 et 2 ). Ces soldats, issus de divers mouvements de résistance de l’Yonne avaient été regroupés en septembre 1944 dans le réseau Bückmaster, et après une rapide formation à la caserne de Joigny, ils avaient signé mi octobre un engagement  pour rejoindre la 1ère Armée française du Général de Lattre. Ils sont partis en campagne dès le 7 novembre d’abord en Franche Comté, Territoire de Belfort puis,  suivants le repli des allemands ces bataillons sont entrés en Alsace. Pendant quelques jours ce ne furent que  déplacements éprouvants pour essayer de sécuriser cette zone. Le 1er décembre le bataillon de Didi quittait Traubach pour retourner sur Belfort (25 km de marche en 6 H.) afin d'aller récupérer des équipements d’hiver puis après un très court repos, le retour fut précipité, en urgence, le lendemain à destination de Guewenheim : Une importante poche de résistance allemande avait été repérée dans la cuvette de Michelbach.
Le bataillon de Didi fut chargé de déloger cette unité. Le jeune soldat d’un peu moins de 19 ans était mal en point, il portait encore en lui les traces de son emprisonnement dans les geôles allemandes à Auxerre de juin à fin août et après son évasion il n’avait eu que 2 mois pour récupérer des forces avant de retourner au combat.
Dans cette cuvette de Michelbach la bataille fut très rude pendant près de 4 jours. Dans la matinée du 7 décembre le bataillon du RVY porta une attaque qui devait être décisive mais, malgré une bonne progression, elle fut repoussée par l'ennemi. Au cours de ces combats le Commandant Charpy fut tué et il y eut de nombreuses pertes....puis l’échec fut reconnu et un repli provisoire fut décidé. Le lendemain de cette cruelle déconvenue le bataillon était relevé par des troupes de la légion, le 5ème RTM, plus aguerries et qui poursuivant le travail de nettoyage déjà commencé, pendant ces 4 jours sous une pluie glaciale, réussirent à neutraliser l'unité allemande. Le bataillon du RVY de Didi avait été replié sur Guewenhein pour un repos bien mérité et pouvoir être présent aux obsèques de son Commandant. Le 12 décembre les soldats valides du 1er RVY et le 5ème RTM quittaient cette zone pour rejoindre Leimbach…….mais sans Didi qui, dès le 8 décembre avait été transféré à l’hôpital de Belfort. 
  Avec le recul il apparait aujourd'hui à la lecture des lettres et archives que cette opération de Michelbach fut quelque peu improvisée et que l'état-major a envoyé au casse-pipe des jeunes volontaires insuffisamment formés.....à la guerre comme à la guerre !
 
Le 9 décembre…….Cher parents,
 
Dans ma dernière lettre je vous disais qu’à la suite d’un coup de froid j’étais redescendu des lignes mais pas pour longtemps car deux jours plus tard on m’a fait remonter car nous allions passer à l’attaque. Le lendemain nous attaquions sous un feu nourri de barrage de mortiers et mitrailleuses lourdes. Nous sommes restés 2 jours sur les positions durement conquises, au milieu des macchabées boches, dans des trous d’eau ; nous étions glacés et trempés jusqu’à la moelle tout en craignant une contre attaque des boches. Le 3ème jour mon commandant de bataillon fut tué à 15 m de moi, par un obus tiré par un char boche. Il y eut lors de cette bataille une vingtaine de copains tués et plus d’une soixantaine de blessés.
Au cours de la 3ème nuit à 2 heures du matin la ligne téléphonique fut coupée et je dus faire la liaison. J’étais épuisé, fiévreux et pris de douleurs au côté. J’ai dis à mon lieutenant que je n’en pouvais plus mais il m’a obligé de retourner en 1ère ligne. Au petit matin vers 8 heures on a été relevé par un bataillon de marocains chargé de finir le travail. Nous avons pu enfin nous reposer avant d’aller rendre les honneurs à notre commandant lors de ses funérailles. Le soir malade et ne tenant plus debout je suis allé voir le major qui m’a fait évacuer sur Belfort, où je suis soigné et d’où je vous écris. Le docteur m’a examiné ce matin et parle de poussées appendiculaires ou quelques chose comme ça. Tu vois Maman ça ne semble pas trop grave. Dans le lit à coté du mien j’ai un copain qui a reçu une balle dans la hanche….nous sommes bien au chaud alors que les brancardiers continuent à amener des copains blessés. Tous les lits sont pris et ils ont même mis des matelas par terre. Comme que je vais un peu mieux ils ne vont sans doute pas me garder très longtemps. On dit que mon bataillon qui est réduit à 130 hommes valides va devoir se reformer. Nous avons combattus avec ceux de la légion, de chics types.
  A Belfort j’ai retrouvé Marius qui vient me voir matin et soir. Tu m’excuseras auprès de la famille et les copains car en période de combats je ne peux écrire et j’ai juste l’occasion de le faire avec cet arrêt forcé. Je vous quitte en vous embrassant bien fort. Votre soldat Didi.
 
    Didi écrivit encore deux lettres, une le 12 et une 17 décembre, qui n’ont pas été conservées. Il eut droit à une petite intervention pour l’appendicite…..puis il profita, pour sa convalescence de ses retrouvailles avec son bon copain Marius, le lieutenant Marius Berry ……qui lui trouva un job plus relaxe, qui correspondait d’ailleurs bien mieux à sa formation….il fut muté à l’entretien des véhicules, au parc auto…..à la grande joie de ses parents.
 
Champigny le 18/12.44……………..Mon cher Petit
 
J’ai en main tes bonnes lettres des 9 et 12 décembre annonçant que tu es à l’hôpital. Je souhaite que ce que tu as soit plus grave pour que tu y restes longtemps, car comme quand tu étais en prison, nous commencions à trembler pour toi. Ce que tu nous racontes sur le massacre de tes pauvres copains nous met dans une grande anxiété ; fais bien attention, sois prudent, ne t’exposes pas inutilement et j’en suis à souhaiter que tu te casses une jambe ou que tu attrapes une balle dans un bras mais au moins je te saurais en sûreté. Tu es un brave petit et nous sommes fiers de notre fils, mais surtout ne nous causes pas de chagrin en voulant jouer au héros.
Notre installation se termine ……..etc…. ta mère qui t’embrasse bien fort.
 
Champigny le 26/12.44……………..Mon cher Petit
 
Nous avons bien reçu ta lettre du 17/12. En général tes lettres mettent 4 jours pour nous arriver. Je suis bien contente que tu ne sois plus en 1ère ligne, car avec ce froid, j’aurais été malheureuse de te savoir couché à la belle étoile tandis qu’en travaillant aux ateliers, tu peux coucher dans un lit et c’est beaucoup. Tu dis, dans ta lettre que tu ne veux pas passer pour un planqué vis-à-vis de tes camarades. Pour l’instant mon petit ce qui compte ce n’est pas l’opinion de tes copains mais c’est de sauver ta peau. Tu as déjà fait beaucoup, tu as déjà donné une grande part de toi-même pour le pays, au tour des autres. Reste à Belfort le plus longtemps possible.
J’espère que tu ne t’es pas trop ennuyé pour Noël ….etc…..Bon gros baisers ainsi que de ta grand-mère. Maman…..Je passe la plume à ton papa.
 
Mon Garçon…..Faisant suite à la lettre de ta mère voici ce que j’ai à te dire :
Il y a 27 ans, je me trouvais comme toi soldat sur le front, au 152ème d’infanterie un régiment glorieux, vu qu’il était le premier à avoir obtenu la fourragère rouge. Lorsque j’ai vu le vide qu’il faisait aux hommes après chaque attaque j’ai compris qu’il fallait mieux passer inaperçu que de trop se faire voir et c’est bien ce qui m’a préservé la vie. Donc tu es jeune, tu as déjà fait beaucoup pour ton âge…alors tâche de rester affecté à la GHR ou sinon fais toi porter malade. Comme tu n’es pas gradé tu ne risques pas grand-chose. Je t’envoie un mandat de 500 F tu t’offriras un bon déjeuner à notre santé et je te dis à bientôt. Ton père qui t’embrasse. Marcel.
 
En date du 28 décembre 1944 j’ai trouvé aussi dans les archives familiales une lettre d’Albertine à ma grand mère, la jeune fille d’Annoux, manifestement amoureuse, qui avait été arrêtée par les allemands, en même temps que Didi début juin, en portant secours à un résistant blessé (lire Didi résistant)
 
Madame………Avez-vous des nouvelles de vos fils ? Et que deviens André ? C’est un paresseux ; j’attendais un mot de lui me donnant de ses nouvelles ce qu’il m’avait promis ; mais rien. J’ai su que son régiment combattait en Alsace, mais sans doute n’est-il pas dans la même région que mon frère qui me dit l’avoir cherché en vain dans les régiments voisins du sien. Nous avons assez régulièrement de ses nouvelles : a sa dernière lettre du 23, il se trouvait à Ranspach en 1ère ligne, il ne se plaint pas et commence à parler de permission…….
Je termine en vous renouvelant mes vœux les plus affectueux…..transmettez à André toutes mes bonnes amitiés et dites lui que j’espère qu’il me donnera bientôt signe de vie. Albertine.
 
Suivra une lettre di 1er janvier de mes grands-parents pour souhaiter la bonne année à leur fils soldat et à laquelle il joignirent celle d'Albertine.....une si gentille et courageuse jeune fille. Dans leur lettre Geneviève et Marcel semblent enfin rassurés pour leur Didi..... mais ils étaient toujours sans nouvelle de Roger le fils aîné qui était depuis plus d'un an au S.T.O. du côté de Trèves en Allemagne,  "....la radio de ce matin annonçait que les Allemands enrôlaient de force les travailleurs français dans la Wermark....et ceux qui se révoltent, les meneurs sont exécutés. Quelle misère !....."

  

undefined   Après les combats sanglants de Michelbach il y eut dans cette zone un calme relatif de 5 à 6 semaines jusqu’au 18 janvier avant que ne soit lancée la grande offensive sur Colmar.
   Le 25 janvier dans la forêt de Nonnenbruck, l'emblématique capitaine Verneuil sauta sur une mine et dut être amputé d’une jambe. Le 1er février 1945 le 1er RVY fut intégré dans le 35ème régiment d’infanterie. 
  C’était la fin d’un régiment de volontaires FFI dont l’armement et les équipements laissaient à désirer. Ces soldats entraient réellement dans l’armée du Général de Lattre. Une nouvelle histoire commençait……avec un symbole militaire fort, la mise à l’écart, par l’état major du capitaine Verneuil, pourtant déjà meurtri dans sa chair…….la guerre est une affaire trop sérieuse pour la laisser diriger par des non professionnels, quelques furent leurs états de services dans la résistance.
  
    C'est lors des fêtes de fin d'année 1979, que j'ai eu l'occasion de dire à mon oncle Didi que je travaillais depuis 6 mois à la construction d'un barrage dans la cuvette de Michelbach à coté de Cernay dans le Haut Rhin. Je n'ai pas eu besoin de lui donner plus de précisions, il connaissait parfaitement le coin......
   Lors des travaux de terrassements nous avions beaucoup de problèmes avec les bombes et obus régulièrement trouvés...."Tu m'étonnes..." me dit-il avant de me raconter en détail l'histoire.......
 
(A suivre)
 
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